Chambre Impériale - Partie I

Héleanne avait tiré son époux jusque là, et se fatiguait légèrement. Après tout, on était en fin de journée. Et puis, durant quelques jours, elle avait trimé dur, avec sa soeurs, ses neveux et nièces.

"Je suis vraiment contenteque tu sois de retour, Alpharoz."

Elle le serra dans ses bras et se délecta de sa présence. Puis elle pensa que dorénavant, où qu'il aille, elle ira aussi. Et la pensée fugitive d'avoir des enfants lui traversa l'esprit. Elle l'effaça aussitôt. Elle ne pourrait pas les élever correctement. Héleanne préférait aussi attendre un peu que son époux lui en parle.

"Dis, Alpharoz."

Elle ne savait pas vraiment quoi dire, en réalité. Elle voulait juste entendre sa voix.

"Quand est la prochaine expédition, ou le prochain coloque?"

Pas qu'elle voulait le voir partir de sitôt!

Le baiser l'avait déjà surprise - agréablement - et quand il lui proposa de venir la prochaine fois, elle s'emballa en acceptant activement. Puis, quand il fouilla dans sa poche, elle cru manquer un battement de coeur. Qu'est-ce que c'était? oO

*Oulà, qu'est-ce que c'est?*

Enfin, elle vit l'écrin, et regarda la bague de dedans. Elle pensa un moment s'évanouir de ravissement. Au final, ça ne ferait pas sérieux. Elle le prit après maintes hésitation, et ouvrit la bouche, comme pour dire une chose. Elle voulut s'asseoir, mais au final tint bon et sortit la bague de son socle.

"Alpha, elle est ravissante!"

Elle admira le travail finement exécuté. Elle pouvait sembler simple, mais dès qu'Héleanne l'exposa à un mince filet de lumière, la pierre brilla de "mille" feux. Cette constatation la fit pousser un petit cri de surprise joyeuse. Elle posa l'écrin sur la petite table basse et mit la bague à son auriculaire, étant donné le petit diamètre qui semblait fait pour son petit doigt.

Posée ainsi à côté de son alliance, cette union semblait prévue. Elle fit un sourire éblouissant et embrassa son époux.

"Merci, Alpha!"

À la réaction étonnée d’Héléanne quand il tira la boîte de sa poche, Alpharoz ne put s’empêcher d’afficher un large sourire satisfait. Par la suite, il la fixa durant quelques secondes, submergé par le charme qu’elle dégageait tandis qu’elle fixait son cadeau, puis l’embrassa sur le front et ouvrit l’écrin.

Le petit cri de surprise qu’elle lâcha en découvrant la bague le fit tout de même sursauter. Elle s’en empara elle-même délicatement, sembla légèrement chanceler alors qu’elle lui donnait son impression. Ravissante, selon elle. Elle n’avait encore rien vu.

Quand elle manqua de s’asseoir – était-ce donc si grave que ça ? – l’empereur se glissa furtivement derrière elle. Il dégagea souplement ses longs cheveux d’une de ses épaules, avança sa tête jusqu’à pouvoir sentir son odeur et, d’une main, l’aida à insérer la bague autour de son auriculaire droit. Dès qu’elle leva la main, le jeu des lumières les aveugla tous les deux, les faisant sourire. Certes, il avait oublié ce point…

"Tu aimes ?" s’enquit-il d’une voix inquiète.

Les différents motifs d’argent n’étaient pas sans évoquer les branches d’un arbre, mais en étaient encore très loin. La matière argentée donnait l’impression de sortir tout juste du bijoutier, mais le meilleur restait sans doute le joyau transparent, magnifiquement sculpté, qui ornait l’anneau. Dès que l’Impératrice le passa au doigt, la pierre se teinta d’une couleur noir profond, qui dériva ensuite sur un magnifique écarlate. Avant qu’elle n’ait pu afficher sa surprise, Alpha l’embrasa furtivement dans le cou et lui souffla à l’oreille.

"C’est en partie pour ça que ça m’a coûté une for… Euh, cher. La matière ne s’oxyde jamais, alors que la gemme change de couleur au gré de tes humeurs. Il en existe douze à Astaria. Après, je suppose qu’ils n’avaient plus de pierres… Je voulais t’offrir quelque chose de plus rare, mais je n’ais eu que deux jours entiers pour faire les boutiques :p"

Il avait passé les mains devant le ventre de la jeune femme, le gardant vers lui. Maintenant que le soleil se couchait dans l’immense fenêtre qui occupait leur chambre, le bijou offrait des reflets enflammés sur la main d’Heleanne. Alpha fixa l’horizon d’un air pensif quelques secondes, le temps que sa femme ait fini d’observer le cadeau ou de s’assurer que ce n’était pas un faux, au choix. Pourquoi se sentait-il inquiet, tout à coup ?...

Il sursauta quand l’Impératrice se retourna vers lui pour coller ses lèvres aux siennes, ce à quoi il répondit par une moue vaincue.

"Alors, Dame l’Impératrice ? Que désirez-vous faire maintenant ?" poursuivit-il sur un ton volontairement mielleux, comme ils s’amusaient souvent à le faire.

"Tu sais, Alpha... Nous sommes tous les deux seuls pour au moins deux heures minimum. Et notre longue séparation m'a donné une envie de quelque chose d'assez obscène..."

Elle ferma les rideaux. Puis elle retourna vers son époux, devant sans doute avoir compris. Elle prit sa main au cas où et le mena vers le lit conjugal.

*Enfin!*

Elle s'assit et...

¤CENSURATION¤

Lorsque la scène d'amour fut terminée, Héléanne, dans un sursaut de pudeur, releva un peu la couverture sur la poitrine nue. L'air pensif d'Alpharoz le rendait si sérieux, qu'elle en eut un pincement de coeur. Elle posa sa tête sur l'oreiller, puis l'observa à sa guise. Elle savait que depuis son ascension au trône, Alpha ne coupait plus du tout ses cheveux. Elle les tripota un petit peu, sentit la douceur soyeuse et sourit. Son nez droit et sa bouche fine donnaient l'impression qu'il n'était qu'un dessin.

*Pourtant je le touche...*

Elle ne résista pas à la tentation, et le prit dans ses bras, et le serra fort.

(Mince, mais pourquoi t’as censuré ? >.<)


L’empereur haussa un sourcil faussement étonné à l’annonce de la jeune femme. Étonnement que son sourire gâchait quelque peu. Il ne tarda pas à lui embrasser le front.

« Fais donc, je suis là pour ça ^^ » ( )

Alors, à son grand regret, Heleanne s’éloigna pour leur offrir un peu plus d’intimité question rideaux. Il attendit patiemment son retour, après quoi il la souvit vers le grand lit qui leur servit de terrain de jeu pendant l’heure qui suivit.
Chose normale après trois jours de séparation.


(Interdit aux moins de 18 ans ^^)


Alpharoz inspira profondément, les yeux fermés. Quand il les rouvrit, Heleanne se tenait toujours à ses côtés, nonchalamment recouverte par le mince drap blanc sous lequel il se tenait aussi. C’est que maintenant les ébats terminés, il commençait à faire plus frais…
Une main derrière la nuque, l’autre caressant machinalement la paume d’Heleanne, le jeune empereur fixait le plafond d’un air songeur. Il ne pouvait jamais s’empêcher de revenir sur sa décision. Celle de son couronnement.
Sans cette fichue couronne, lui et Heleanne n’auraient jamais été séparés pendant plusieurs jours. Sans ça, il n’aurait jamais été obligé de s’inquiéter continuellement quant à la prochaine date de son départ. Il avait pensé à abdiquer, mais c’était impossible quand on était empereur.
Le seul moyen, c’était de s’enfuir.
L’empereur sursauta quand il sentit des doigts glacés se glisser dans ses cheveux. Il tourna la tête vers sa femme, lui sourit. Quand soudain, elle l’entoura de ses bras et commença à le serrer, il lui rendit son étreinte le plus fort possible, son nez enfui dans le cou de la jeune femme. Comme s’ils cherchaient à fusionner.
Ils n’avaient plus besoin de mots pour se comprendre. Cela faisait longtemps.
Quand l’étreinte cessa, Alpha recula son visage de quelques centimètres et, de ses doigts fins, commença à suivre silencieusement le contour des lèvres d’Heleanne. Il se déroula ainsi plusieurs minutes, sans qu’aucun mot ne vienne briser le silence intime qui s’était installé.
Enfin, Alpha s’éclaircit la voix.

"Euh… Heleanne ? " se risqua-t-il.

A ce stade, il s’était déjà emparé d’une des mains de sa femme et la tenait à quelques centimètres de son visage, pour cause de bisoutage quelques minutes plus tôt. Il attendit que sa femme ait répondu pour continuer :

"Tu ne te demandes pas parfois si tu… on aurait été mieux si je n’étais pas empereur ? Si on était toujours libres ?"

Il n’essaya pas de cacher son trouble. C’était peine perdue avec elle, de toute façon.
Anticipant déjà sa réponse, le jeune empereur serra plus fort la main de sa compagne contre son cœur. Vain espoir dans le cas où elle voudrait la retirer.

L'air grave d'Alpharoz inquiéta fortement Héléanne. La main posée sur le coeur de son époux était un peu tendue. Mais quand il posa sa question, elle perdit carrément son demi-sourire. Elle eut l'air choquée.

*Pourquoi demande-t-il cela?!*

"Alpharoz! Qu'est ce qu'il te prends?"

Elle serra sa main, et se redressa un peu. Elle se demanda si Alpharoz avait eu une déception ou même des menaces. Rien que cette pensée la rendit malade. Mais elle l'envoya vite ad patres dans les oubliettes.

"Bien sur que si, des fois, je demande. Je me demande que si tu étais dragonnier, on aurait une grande maison, ou même des enfants, voire un magasin à côté... Mais ce sont des questions que toutes femmes font. Tu es Empereur, et je suppose que tu en es très fier. Mais si tu es malheureux dans ta position, dis le moi, je t'en prie."

Elle s'inquiétait. Que se passait-il dans l'esprit d'Alpha?

Aussitôt que sa femme réagit, Alpharoz regretta sa décision d’avoir été franc ainsi. Il mordit sa lèvre inférieure, résigné toutefois à se lancer dans les explications lorsqu’elle lui demanderait.
Pas chance, Heleanne n’avait pas dégagé sa main de la sienne. La mine inquiète qui déforme son visage fit plisser le front de l’empereur, qui n’attendit pas plus longtemps avant de s’expliquer.

"Pas du tout, je ne suis pas le moins du monde malheureux. Et je ne serais sans doute durant tout le temps où tu m’accepteras à tes côtés. Simplement, je… J’ai parfois l’impression que cette couronne me prive de liberté. Comme quand je suis obligé de partir pour des visites diplomatiques sans toi, où je me sens prisonnier. Et je ne tiens pas à ce que cette prison s’étende aussi sur toi…"

D’un geste amoureux, il dégagea une mèche de cheveux de sa femme derrière l’une de ses oreilles, puis plongea son regard au plus profond du sien. Malheureux ? Lui qui disposait de la meilleure femme d’Astaria ? Non mais et quoi encore ?
Mais bon, voilà…

"Mais bref, c’était juste une réflexion comme ça ^^" la rassura-t-il.

Il l’embrassa, après quoi il passa son bras autour de ses épaules et serra la jeune femme contre lui pour les réchauffer tous les deux. Les bruits de pas bruyants dans le couloir leur rappelaient sans cesse à quel point leur cocon était intime, et c’est sur cette pensée qu’il posa sa question suivante, non sans avoir pivoté sur le côté pour que les front et les nez des deux amoureux soient en contact et que leurs yeux soient juste face à face.

"Helea ? Je peux te demander quelque chose ?"

Elle ne répondit pas vraiment, ce qui l’incita paradoxalement à continuer.

"Tu te sens prête à concevoir un héritier pour le trône d’Astaria ?" poursuivit-il dans un sourire.

Tous deux savaient que la succession du trône ne se faisait pas héréditairement. Ce qui dissimulait donc une question beaucoup plus importante à leurs yeux…


(Désolé, j’ai fait ça vite-fait X.x)

Elle accepta avec une petite récitence la réponse d'Alpharoz. Puis quand il demanda à poser une question, elle ne bougea pas particulièrement.

*Que se passe-t-il?*

Elle resta immobile, à l'écoute. Puis la question la laissa sans voix. Les empereurs ne se faisaient pas héréditairement. Donc un héritier au trône... Concevoir? Elle crut mal comprendre. Elle réfléchit brièvement, puis, maladroitement, elle sourit et rit en même temps. Elle laissa s'échapper une petite larme, et répondit en riant et pleurant en même temps :

"Oh, Alpha!..."

Elle crut ne jamais pouvoir répondre, comme quand il lui avait demandé de l'épouser. Elle hoqueta un peu, puis posa sa main sur son coeur.

"Alpharoz! Je... Je voudrais... Vraiment!"

Elle le prit dans ses bras, trop heureuse pour croire être dans la réalité.

Alpharoz guetta attentivement la réponse de sa femme. Ses yeux n’auraient quitté les siens pour rien au monde, de toute façon, mais il savait que sa véritable réponse, plus que ses mots, se trouverait dans son regard. Lui avait longuement réfléchi à la question, mais il craignait maintenant avoir trop précipité les choses. Après tout, avoir un enfant, ça n’était pas une mince affaire, surtout pour elle…
Si Alpha était coincé sur le trône jusqu’à sa mort, il n’aurait jamais beaucoup de temps pour s’occuper de lui, qu’importe ses efforts. Cette tâche incomberait par contre plus à Heleanne.
Mais bien plus que ça, ce serait la fusion de leurs deux chairs.
Lorsqu’il aperçut une larme couler sur sa joue, par contre, le sourire d’Alpharoz s’effaça brusquement. Avait-il…
Sa respiration se coupa quand Heleanne lui bondit dessus, se retrouvant sur lui en moins d’une seconde. Le temps qu’il comprenne, la jeune femme avait déjà répondu quelques fragments de phrase incompréhensibles coupés par quelques éclats de rire. La joie revint subitement éclairer le visage de l’empereur, qui lui rendit son étreinte.

"Dois-je prendre ça pour un oui ? " récapitula-t-il.

Dehors, un nuage masquant la lumière d’une des lunes s’éclipsa soudain, éclairant tout à coup la vaste pièce de la lumière de l’astre de la nuit. Alpha plissa légèrement les yeux, preuve qu’après son long voyage, il était plus épuisé qu’il ne l’avait d’abord pensé.
Dans quelques min… – son regard se posa sur Heleanne – quelques heures, il devrait penser à dormir un peu. En attendant, il leur restait encore trois jours d’absence à rattraper.

"Donc maintenant qu’on est d’accord l’idée, on va pouvoir discuter de la quantité. Quinze héritiers, ça te va ?"

Le nuage repassa devant la lune. Les quelques torches présentes dans la chambre s’allumèrent instantanément, diffusant une lumière tamisée intime. Alpha leva les yeux au ciel devant cette invention des magiciens.

"Quinze héritiers? Mais enfin, Alpharoz, je doute ressortir de tout ce travail indemne. Je serais fixe sur trois maximum. Après ce serait bien trop."

Elle tentait de garder son calme, s'empêcher de rire, mais n'y parvint pas vraiment. Elle pouffa, gloussa et enfin éclata de rire. Elle s'imagina énorme, enceinte, avec une dizaine de gosses derrière. Elle sourit, heureuse.

"Quoiqu'il en soit, Alpha, je suppose qu'une fille et un garçon, ça irait parfaitement. Isabella et Edward, ce n'est pas mignon?"

Elle sourit, elle aimait beaucoup ces prénoms. Et puis, elle proposait déjà, rien que pour avoir l'approbation de son époux. Elle le garda dans ses bras, puis regarda la lune. Elle était à demi-cachée par des nuages. Qu'elle était belle... *.*

Alpharoz baissa les yeux, déçu de voir le nombre de ses progénitures descendre de manière fulgurante. Après tout, à ce rythme-là, les trois risquent d’être vite faits. Ils allaient s’ennuyer ferme après… L’empereur arriva alors à un accord tacite avec lui-même : chaque fois qu’il devrait faire du chantage avec Heleanne, il tenterait de marchander l’ajout d’un petit bout de chou à leur liste. Cette perspective le fit sourire et relever la tête vers sa femme, elle-même sous l’emprise d’un fou rire tel qu’il en avait désormais l’habitude.

Il ne répondit pas quand elle lui proposa le nom plein de fascination ( :p) de leurs deux bambins, se contentant de la dévorer du regard d’un air émerveillé. IL lui fallut plusieurs minutes pour reprendre ses esprits et lui déposer un énorme baiser sur la joue.

"Isabella et Edward… Ca me paraît parfait " lui souffla-t-il.

Il se retint à grand peine de demander la date de leur création, craignant de se ramasser une baffe, et préféra alors serrer sa femme contre lui, le nez enfui dans ses cheveux.
Il inspira profondément et ferma les yeux, sans un mot de plus.